Encadrer juridiquement les vérifications de police effectuées dans le cadre de l’embauche de ressortissants monégasques
Un ressortissant monégasque contestait l’impossibilité pour lui de mener à bien un processus de recrutement compte tenu de l’avis défavorable émis par le Département de l’Intérieur à son embauche, en raison de ses antécédents judiciaires. D’emblée le Haut Commissariat s’était étonné de ce que le requérant se voit refuser la délivrance d’un permis de travail, alors même qu’étant ressortissant monégasque il n’était pas tenu, pour pouvoir travailler dans le secteur privé à Monaco d’être titulaire d’un permis de travail, l’article 1er de la Loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à règlementer les conditions d’embauchage et de licenciement en Principauté n’imposant cette formalité qu’aux ressortissants étrangers.
En vertu de l’article 4 de cette même Loi, l’employeur qui souhaite embaucher un travailleur de nationalité monégasque n’est pas soumis de son côté à une demande d’autorisation préalable mais à une simple déclaration, « dès l’entrée en service de l’intéressé », ce qui sous-tend du reste que l’Administration ne peut par principe faire obstacle à l’entrée en poste.
Il s’avère néanmoins qu’en pratique, les procédures appliquées aux ressortissants monégasques et étrangers sont les mêmes (demande d’autorisation d’embauchage remplie par l’employeur et adressée au Service de l’Emploi, lequel saisit la Direction de la Sûreté Publique pour réalisation d’une enquête de moralité sur le postulant), à ceci près que le document administratif délivré in fine au travailleur concerné ne porte pas le même libellé.
En tout état de cause, la délivrance de ce document étant requise dans la pratique pour pouvoir travailler, un avis défavorable de la Direction de la Sûreté Publique suite à l’enquête de moralité diligentée peut, en l’état de ces procédures, y faire obstacle et s’opposer par conséquent à l’accès d’un monégasque à un emploi salarié, y compris non réglementé.
Ce faisant, l’Administration impose tant aux employeurs qu’aux salariés ressortissants monégasques, des sujétions qui outrepassent le cadre légal et réglementaire en vigueur.
De fait, les vérifications de police menées sur le fondement de l’Arrêté Ministériel n°2016-622 du 17 octobre 2016 portant application de l’article 3 de la Loi 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale ne concernent que la « délivrance et [le] renouvellement des permis de travail et des autorisations d’embauchage » - ces catégories d’actes n’existant pas pour les travailleurs nationaux - ou les « autorisations d'exercice de professions, emplois, activités et fonctions réglementés par les lois et règlements ».
De même, la consultation obligatoire par la Direction du Travail de la Direction de la Sûreté Publique prescrite par l’article 2 de l’Ordonnance n° 16.675 du 18 février 2005 portant création d’une Direction du Travail, visant à « s’assurer que le demandeur d’emploi n’est pas susceptible de porter atteinte à l’ordre public », ne concerne là encore que « la délivrance des permis de travail et des autorisations d’embauchage » et donc les salariés étrangers.
Si de telles vérifications peuvent tout à fait se justifier au demeurant, quelque que soit la nationalité du travailleur, dès lors notamment que celui-ci aurait vocation à occuper un emploi sensible, elles ne peuvent en aucun cas se faire sans base légale au vu de leur caractère attentatoire à la vie privée et des conséquences susceptibles d’en découler pour les travailleurs concernés (refus d’accès à un emploi).
C’est pourquoi le Haut Commissariat a recommandé que soit pris, à brefs délais, un texte encadrant cette pratique administrative, étant observé qu’au vu de la liberté du travail garantie aux Monégasques par la Constitution (article 25), il s’avère nécessaire de cantonner la possibilité d’avoir à demander une autorisation pour intégrer un travail, aux seules catégories d’emplois rendant légitime, de par leur nature, un contrôle en amont des autorités sous l’angle de la police préventive.
Suivi de recommandation
MAJ 05/03/2021
Le Gouvernement n’a pas estimé devoir suivre cette recommandation, sans néanmoins répondre aux points juridiques soulevés par l’Institution.