Fouille intégrale systématique des détenus
Plusieurs requérants se sont plaints du régime de fouilles particulièrement strict appliqué au sein de la Maison d’Arrêt, tant par leur fréquence que par leurs modalités de réalisation.
L’instruction du Haut Commissariat a permis de vérifier que les fouilles pratiquées par les surveillants sur les détenus qui nous avaient saisis, avaient été conformes à la réglementation en vigueur* et ne traduisaient aucune volonté d’acharnement à l’endroit d’un détenu en particulier. Le Règlement Intérieur de la Maison d’Arrêt prévoit en effet non seulement que des fouilles à corps soient réalisées de manière systématique à la sortie des parloirs et à chaque entrée ou sortie de l’établissement mais également qu’elles puissent être réalisées à titre préventif à tout moment. En outre, les modalités de réalisation des fouilles à nu prévoient bien qu’il soit demandé à la personne fouillée de s’accroupir et de tousser, geste particulièrement difficile à subir de manière répétée pour les détenus.
Les demandes des surveillants, dénoncées par les plaignants, n’avaient donc pas été au-delà de ce que le cadre juridique actuellement applicable en Principauté leur impose. Le Haut Commissariat considère pour autant que ce cadre, qui laisse en outre toute latitude au Directeur de la Maison d’Arrêt de décider de faire pratiquer des fouilles corporelles très approfondies et ce sur l’ensemble des détenus, n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en la matière.
De fait, si la Cour de Strasbourg admet le principe des fouilles corporelles et ne les considère pas, en elles-mêmes, comme inhumaines et dégradantes, elle exige en revanche qu’elles répondent à un impératif convaincant de sécurité, de défense de l’ordre ou de prévention des infractions pénales, à défaut de quoi des fouilles intégrales systématiques, non justifiées par ces impératifs, peuvent créer chez les détenus le sentiment d’être victimes de mesures arbitraires. Elle affirme en outre que plus l’intrusion dans l’intimité des personnes est grande (en particulier lorsque la fouille à nu comporte l’obligation pour les détenus qui y sont soumis de prendre des postures gênantes), plus grande doit être la vigilance qui s’impose dans le rythme et les conditions de mise en œuvre de telles fouilles**.
Ainsi, le caractère systématique des fouilles à corps pratiquées à la Maison d’Arrêt (à demi-nu pour le commun des détenus et à nu pour les détenus plus particulièrement surveillés), sans justification individualisée ou restriction dans le temps sur une période donnée, ne peut de l’avis du Haut Commissariat, être considéré conforme aux principes de la Convention ESDH et a conduit l’Institution à recommander que soient trouvées des alternatives à cette pratique de fouille intégrale généralisée.
S’appuyant sur les constats tirés en France fin 2018 par une mission d’information parlementaire consacrée aux fouilles en détention***, ayant conclu au fait que les fouilles s’avèrent moins efficaces lorsqu’elles sont programmées que lorsqu’elles sont inopinées, le Haut Commissariat a préconisé de privilégier des fouilles ciblées (en fonction des risques identifiés pour chaque détenu par les surveillants) assorties le cas échéant de fouilles à mi-corps ponctuelles et aléatoires, en complément du recours à toute technologie (comme les scanners corporels) permettant de limiter le caractère invasif des fouilles des détenus notamment après contact avec l’extérieur.
*Ordonnance Souveraine n° 3.782 du 16 mai 2012, article 32 : « Toute personne détenue doit être fouillée à son entrée dans l’établissement et à chaque fois qu’elle en est extraite. Elle est également fouillée à l’occasion des visites effectuées sans dispositif de séparation et, au cours de sa détention, aussi souvent que le directeur de la maison d‘arrêt l’estime nécessaire » ; Règlement intérieur de la Maison d’Arrêt, Chapitre I, section 4, C, p. 13 : « La fouille à corps est obligatoire à chaque entrée ou sortie de l’établissement et à chaque sortie de parloir. De plus elles peuvent être réalisées, à titre préventif, à tout moment » ; Note de service n° 08/2016 du 31 mars 2016.
** Voir notamment : Cour EDH, 12 septembre 2007, Frérot c/ France, req. n° 70204/01 ; Cour EDH, 9 juillet 2009, Khider c/ France, req. n° 39364/05 ; Cour EDH, 20 janvier 2011, El Shennawy c/ France, req. n° 51246/08.
*** Rapport d’information sur le régime des fouilles en détention, MM. Xavier Breton et Dimitri Houbron, Députés, Assemblée Nationale, 4 octobre 2018, p. 29 et 30.
Suivi de recommandation
MAJ 05/2021
Après avoir indiqué dans un premier temps au Haut Commissariat qu’elle n’entendait faire évoluer ni le cadre règlementaire ni la pratique en matière de fouilles à corps, qu’elle estimait pour sa part conforme aux standards internationaux, la Direction des Services Judicaires, sous l’impulsion de son nouveau Directeur, a finalement fait évoluer les procédures de manière à limiter significativement en pratique la fréquence des fouilles à corps, lesquelles ne sont en outre plus opérées qu’à demi-nu.