Ne pas reconduire la mesure d’extension de présentation du passe sanitaire à certains personnels indispensables à la continuité des services essentiels à la population
Dans le prolongement de l’instauration du passe sanitaire européen destiné à permettre l’exercice de la libre circulation entre pays de l’Union européenne durant la pandémie et du passe sanitaire français règlementant l’accès à certains lieux publics, le Gouvernement Princier a mis en place par Décision Ministérielle du 1er juillet 2021, le passe sanitaire monégasque. Destiné dans un premier temps à limiter l’accès aux salles de spectacles et restaurants, il a rapidement été étendu à de nombreux lieux publics, avant de devenir également une condition d’accès au lieu de travail dans certains domaines d’activité.
Le Haut Commissariat a été saisi par deux collectifs rassemblant, pour l’un, des salariés du secteur privé, et pour l’autre des fonctionnaires et agents de l’Etat qui contestaient la mesure d’extension de l’exigence de présentation d’un passe sanitaire, à certains employés des entreprises et/ou services publics considérés comme « assurant des services essentiels à la population », pour l’accès à leur lieu de travail et l’exercice de leur activité professionnelle.
Entre autres doléances, ils considéraient que cette mesure induisait un risque d’arbitraire et une rupture d’égalité entre employés d’un même service ou d’une même entreprise, la mesure n’étant pas de portée générale et les personnes soumises à l’obligation de présenter un passe sanitaire ayant vocation à être désignées unilatéralement par l’employeur, sans critère objectif suffisamment précis pour permettre d’encadrer correctement ce choix et d’éviter d’éventuels abus. Ils estimaient également que cette mesure les contraignait à dévoiler des données médicales les concernant à des personnes non soumises au secret médical au sein de leur service ou de leur entreprise.
Après avoir observé que la nouvelle mesure d’extension se distinguait intrinsèquement des précédentes, en ce qu’elle poursuivait, non plus un objectif de santé publique mais un objectif de continuité des services publics, le Haut Commissariat s’est interrogé sur la capacité même de l’exécutif à édicter une telle mesure en application de l’article 65 de l’Ordonnance Souveraine n° 6.387 du 9 mai 2017 relative à la mise en œuvre du Règlement Sanitaire International (2005), lequel habilite exclusivement le Ministre d’Etat à prescrire, « dans l’intérêt de la santé publique, toute mesure appropriée afin de prévenir et limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ».
D’autres considérations ont en outre conduit le Haut Commissariat à souhaiter attirer l’attention du Gouvernement sur le caractère à son sens inadapté du support juridique choisi (règlementaire et non législatif) pour mettre en œuvre cette nouvelle obligation, compte-tenu de ses implications sur les droits des travailleurs concernés (après épuisement des journées de congés, refus d’accès au lieu de travail et donc interdiction de plein droit d’exercer leurs fonctions avec arrêt concomitant du versement de leur salaire).
Aussi le Haut Commissariat a-t-il invité le Gouvernement à régulariser par la loi le dispositif du passe sanitaire mis en place dans le domaine du travail, si celui-ci estimait nécessaire de le maintenir et/ou de le poursuivre.
Cependant, le Haut Commissariat a également considéré que des questions de fond pouvaient se poser quant à la capacité de la mesure prise à atteindre l’objectif visé (continuité des services essentiels à la population sous-tendant la protection contre le virus des personnels ainsi désignés) et quant à son articulation avec le travail à distance par ailleurs à l’œuvre.
Enfin le Haut Commissariat a également estimé nécessaire d’alerter sur les risques existants, selon les modalités pratiques de mise en place de la mesure, d’atteinte au secret médical et de rupture d’égalité entre employés.
Aussi, tout en considérant évidemment légitime que face à l’évolution de la situation épidémique, le Gouvernement ait entendu renforcer les moyens de garantir la continuité de la bonne marche des services essentiels à la population, le Haut Commissariat a jugé nécessaire de recommander que la mesure ne soit pas reconduite, en l’état, au-delà de la date d’échéance initialement fixée et susceptible d’être prolongée.
Suivi de recommandation
MAJ 07/03/2022
Le Gouvernement a fait savoir au Haut Commissariat que sur la base notamment de ses recommandations et compte-tenu de l’évolution favorable de la situation sanitaire, il avait décidé de ne pas prolonger la mesure.